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Design Ops en agence web : quelles différences avec le Design Ops en start-up ?
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Joffrey Jochum

Bonjour à tous, je suis Joffrey. Designer et entrepreneur, j’interviens aujourd’hui en temps partagé auprès des agences web sur les sujets de Design Strategy, de Design Ops et de Design Mentoring. Pour Laptop, je vous propose d’explorer les spécificités de la pratique du Design Ops au sein des agences web, par rapport à sa pratique plus courante en start-ups.

Depuis quelques années, on entend de plus en plus parler de Design Ops.

Cette notion est fréquemment rattachée au Product Design, dans des contextes de Scale d’entreprise. Parce que bien souvent, c’est dans des conditions de croissance d’équipe forte qu’on rencontre des problématiques de Design Ops. Et dans le monde du numérique, ce type de croissance est d’avantage observée en Start-up qu’en Agence.

 

Design Ops : kesako ?

Pour apporter d’avantage de contexte, le Design Ops est une pratique, ou plutôt un ensemble de pratiques, qui permet de développer la valeur du Design sur toute la chaîne de création d’un projet.

De la représentation même du Design au sein d’une équipe projet, en passant par la culture, les process et méthodologies, la documentation, la critique Design, la collaboration avec les autres métiers, l’industrialisation et le Design System, ou encore le mentorat… L’idée est de définir un ensemble de cadres cohérents pour tous ces sujets, pour permettre aux équipes de travailler de manière plus harmonieuse et efficace. Ou d’onboarder plus rapidement de nouveaux membres.

Tout ça a bien sûr beaucoup de sens au sein d’une entreprise en croissance, qui édite sa solution saas par exemple (grandes ou petites, dans cet article nous définirons ces entreprises par “start-up”). Mais qu’en est-il des agences web, qui elles aussi fabriquent des applications, produits saas, ou autres sites web plus ou moins complexes pour leurs clients ?

 

Design Ops en Agence et en Start-up : là où les mondes se rejoignent

Fondamentalement, entre une agence et une entreprise qui bâti un produit, les besoins sont les mêmes : des méthodes pour concevoir au plus juste pour les utilisateurs, des pratiques rationalisées pour construire efficacement, et de la communication pour créer de la fluidité et favoriser la qualité.

Et en matière de pratique du Design Ops, on distingue des points de convergence entre agences et start-ups :

La vision

Le Design Ops, dans son objectif de fluidifier, de faciliter et d’améliorer, porte la question de la vision. Et cette question de la vision est inhérent à nos deux mondes.

D’un côté, les agences cherchent à développer leur vision du métier. Comme une signature à valoriser auprès de leurs clients, comme un fil d’ariane de tous leurs travaux. Cette vision prend vie dans le travail des équipes de Design bien sûr, soutenu et boosté par la démarche de Design Ops.

En face, les start-ups travaillent d’avantage une vision produit. Une petite différence de mots, qui n’enlève en rien le caractère directionnel et inspirant qu’on peut retrouver en agence. Là encore, une vision qui prend vie dans le travail de Design, mais aussi dans d’autres questions bien plus stratégiques (roadmap, stratégie pure), elles aussi en contact constant avec le Design Ops.

L’évolution individuelle

De part son ADN d’accompagnement des équipes, le Design Ops favorise à nouveau (enfin !) le travail sur des roadmaps d’évolutions d’équipe et d’évolution des individus. Agences ou start-ups, les entreprises ont enfin compris la problématique de la gestion des talents Design.

Le Career Path est devenu essentiel pour nos deux modèles. Il permet aux équipes de s’améliorer sur la base des atouts de chaque individu. Il contribue également à conserver les talents, et se rendre désirable aux yeux des candidats. Pour un•e Design Ops aujourd’hui, cette mission est un incontournable, et cette tendance n’est pas prête de s’inverser.

Les outils et méthodes

Élément commun majeur entre agences et start-ups : les process et outils. Dès lors qu’on produit quelque chose (un saas, un site web…), on a besoin d’organiser cette production avec précision : scope, process, interlocuteurs engagés et responsabilités ; Méthodes d’identification des problèmes, de co-réflexion et de conception ; Software communs (Figma, Miro, outils de versioning…), outils de production et de documentation (Design System par exemple).

L’organisation de tous ces points est un élément commun de pratique du Design Ops, qu’on soit en agence ou en start-up. Un élément qui remonte souvent en tête des préoccupations d’ailleurs, et qui est intimement lié aux deux points cités précédemment.

 

©Joffrey Jochum

 

Design Ops en Agence et en Start-up : des différences structurantes

Venons-en maintenant aux éléments qui font qu’on ne pratique pas le Design Ops de la même manière en agence et en start-up. Trois points sont majeurs : les projets, l’organisation, et la culture.

La typologie des projets

Là où on travaillera plutôt dans un contexte de mono-projet dans une entreprise qui édite une solution saas par exemple, le multi-projet est légion en agence. Dans les faits, cela impacte la pratique des métiers du Design de plusieurs manières :

L’agilité mentale est nécessaire en agence : travailler sur potentiellement 3-4 sujets différents dans la même journée demande une certaine gymnastique intellectuelle. Surtout lorsque les sujets ont des contextes ou des scopes de travail différents. Cette première différence est stimulante pour certain.es, anti-focus pour d’autres. Deux salles, deux ambiances.

Côté start-ups, certaines disciplines sont plus représentées qu’en agences : c’est le cas de la discovery par exemple. Et c’est normal : là où l’agence va vendre de la recherche utilisateur “packagée” (X ateliers ou démarches, qui rentrent dans un budget négocié), la start-up a sans doute plus de latitude pour étendre, adapter ou revoir ses démarches de recherches auprès des utilisateurs.

Le mode d’organisation

L’agilité. C’est le concept que toutes les organisations revendiquent. Sans toujours pratiquer de méthode particulière, d’ailleurs. “Scrum” pour certaines équipes Produit, “capacité à faire bouger le projet sans faire bouger le budget” pour les clients d’agences, “organisation de sprints” pour les agences et les équipes produit… Bref, le mode d’organisation de nos deux modèles est radicalement différent.

Côté start-ups, on retrouve souvent une “agilité” organisationnelle à la Scrum par exemple. Avec un impact plus ou moins fort sur la production et le delivery en fonction du purisme de la pratique. Une agilité qui peut également se révéler fragile de temps à autres, selon la manière dont cette agilité est appliquée aux différentes strates de gouvernance de l’entreprise (une agilité uniquement appliquée à la production, c’est une agilité de façade).

Côté agence, cette “agilité” est plus complexe à mettre en œuvre comme dans les équipes produit, pour une raison simple : les clients des agences ne sont généralement pas du tout organisées comme tel. Et même si ces clients revendiquent (ou demandent) l’agilité, le waterfall reste roi et l’agilité se transforme souvent plus en “allez, soyez agiles, vous allez bien nous faire ça en plus” qu’en “ok, c’est hors scope, on en parle et on voit sur un prochain sprint”.

La culture

Last but not least : la culture ! Sans surprise, “culture produit/start-up” n’est pas “culture agence”. Sans doute parce que dans un cas, “la boîte c’est le projet” et que dans un autre cas “la boîte vit par l’intermédiaire des projets de ses clients”. Dans ces deux contextes différents, une même discipline n’est pas pratiquée de la même manière : La discovery, l’Expérience Utilisateur, l’UI, le delivery… Le monde de la prestation et celui du in-house sont là aux antipodes.

Autre point culturel important : le monde du produit a fait de la récurrence sont modèle de croissance. Outre le volet financier, cette culture de la récurrence force les équipes à être à l’écoute, en vigilance, et surtout très réactives. Les agences en rêvent bien sûr (principalement pour le volet financier), mais peinent dans les faits à assurer les implications de cette récurrence (réactivité plus limitée, de par les process et allers-retours client/agence ; difficulté à délivrer rapidement…).

Deux mondes, pour deux pratiques du Design Ops. Les délais d’installation de la pratique varient fortement (culture plus rapide en start-up ; itération sur les méthodes plus rapide en agence), tout comme les sujets abordés (l’industrialisation des pratiques, le Design System, la collaboration entre les métiers…). Mais ces deux mondes ont justement beaucoup à s’apporter, malgré le fait qu’ils soient souvent mis en opposition.

Agences / Start-ups : quelles inter-connexions ?

Sans aucun doute, le monde des Agences et celui des Start-ups ont de quoi nourrir une pratique du Design Ops globale plus riche, plus complète, et plus fine. Opposer simplement les deux mondes serait se couper d’opportunités de muscler sa pratique et d’enrichir son niveau de réflexion.

 

©Joffrey Jochum

Et si les agences s’inspiraient des start-up ?

Dans un premier temps, les agences pourraient s’inspirer du rôle plus actif du Product Owner ou du Product Manager (je précise : “du rôle”, pas uniquement de la dénomination du métier). Pour cultiver la pro-action et la collaboration plus étroite avec les clients, et sortir les chef•fes de projet de leur image de simple passe-plat. Les opportunités : collaboration, culture de la relation, récurrence business.

Autre sujet d’inspiration : les rituels. Ces courts moments, réguliers et quasi sacrés, permettent aux équipes de faire émerger idées, besoins et retours bien plus rapidement et efficacement que lors de review conventionnelles. C’est l’investissement régulier court aux grands effets. Mais c’est parfois un sujet mal compris et perçu comme de la réunionnite ou de la pause-café-ité. Les opportunités : anticipation des problèmes, efficacité de production, amélioration continue.

Enfin, l’industrialisation de la production : lorsque 60 à 80% du travail est répété de projets en projets, pourquoi ne pas l’industrialiser ? Plutôt que de tuer la créativité (comme le souligneraient les extrémistes du sur-mesure), l’industrialisation permet de dessiner un cadre plus clair et expressif à la création sur-mesure. Plus de concentration, pour plus d’impact. Dans un cadre plus ou moins normalisé, pour garantir la qualité et l’amélioration continue. Qui veut plus ?

Les start-ups elles aussi, devraient regarder du côté des agences !

Les start-ups ne sont pas en reste, et auraient elles aussi matière à s’inspirer de leurs homologues agences. On parlait plus tôt du côté “multi-projets” des agences, qui force une certaine souplesse mentale pour passer d’un sujet à l’autre. Et quelques fois, c’est cette caractéristique qui aide à résoudre à avancer : les problèmes d’un projet alimentent la résolution des problèmes d’un autre projet. Et là où le mode mono-projet peut parfois provoquer un effet d’œillère ou de “tête dans le guidon”, le multi-projet permet de voir les choses sous des perspectives nouvelles.

Autre élément d’inspiration pour les start-ups : la vente du Design. Là ou les équipes produit ont souvent bien plus de matière issue de la recherche utilisateur pour justifier leurs choix ergonomiques et graphiques, les créatifs•ves en agence doivent d’avantage travailler la désirabilité de leur démarche de Design face à des clients. Cela amène à développer un langage qui va au delà de son propre métier, et qui prend en considération des facteurs émotionnels, business, et de posture. Un must have pour compléter son arsenal de compétences et monter son niveau de jeu !

 

Quoi retenir ?

Qu’on soit en agence ou en start-up, la pratique du Design Ops relève tout d’abord de l’établissement d’un ensemble de pratiques destinées à mieux penser, concevoir et produire. Pour finalement, délivrer un produit utile et convaincant pour les utilisateurs à qui il est destiné.

En cela, une bonne partie du job de Design Ops est le même en agence, ou en start-up. Le “quoi” est commun, à savoir “aider les équipes Design à mieux concevoir et produire”.

Les différences entre les deux mondes vont surtout jouer sur le “comment” de la pratique : le mono/multi-projet, le mode d’organisation et la culture ont un impact sur les sujets abordés et leur priorité, sur le temps de propagation des méthodes, et sur le positionnement du Design Ops au sein de l’écosystème.

Mais ce qu’il faut surtout retenir, c’est que les deux mondes sont loin d’être radicalement opposés, et peuvent surtout se nourrir l’un et l’autre. Et c’est sans doute cette interconnexion qui est nécessaire pour assurer que la pratique du Design Ops soit, quelque soit la structure, toujours connectée à ses enjeux et utile à ses acteurs.

Si vous voulez en savoir plus sur le Design Ops, n’hésitez pas à vous abonner à ma Newsletter  ou à me contacter sur LinkedIn.

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Brad Frost

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