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Designers : c’est le moment de s’investir dans la santé !
Photo de Jordan Thévenot
Jordan Thévenot

Sébastien Letélié est un développeur et entrepreneur hors pair. C’est après plus de dix ans passés aux côtés des professionnels de santé en milieu hospitalier que Sébastien décide de lancer le Hacking Health Camp. Après neuf éditions, le HHC est aujourd’hui le plus grand hackathon mondial dédié à l’innovation dans la santé. 

Véritable expert du secteur, Sébastien ne cesse d’encourager les designers, les développeurs mais également les professionnels de la santé et les patients à s’investir dans ce domaine. À l’occasion de la 9ème édition du HHC, nous avons souhaité rencontrer Sébastien pour échanger avec lui sur le rôle du Design dans le domaine de la santé.

Dans cet interview, nous aborderons :

  • L’impact du Covid sur la transformation de l’hôpital
  • Les recommandations de Sébastien pour entreprendre dans le domaine de la santé
  • Les différents marchés de la santé
  • L’importance d’identifier et de définir les bonnes problématiques
  • Le futur de la santé

 

Photographie de Sébastien Letélié lors du Hacking Health Camp

 

Bonjour Sébastien, pour commencer, peux-tu nous dire en quoi le moment est-il propice pour investir le domaine de la santé ?

Tout d’abord, le COVID a mis en lumière d’une part, la nécessité de repenser l’hôpital et d’autre part la capacité des professionnels de santé à innover et à s’adapter. Durant la crise du Covid, nous avons organisé, pour la première fois, notre hackathon en ligne. Pour nous, l’intérêt du hackathon est de permettre aux personnes de se rencontrer et d’échanger. Nous étions donc assez sceptiques quant au succès de cette édition. Et pourtant, nous avons réuni plus de 2000 personnes et surtout nous avons prototypé, testé et surtout implémenté pas moins de 5 applications en réel. En 20 ans de carrière dans le secteur de la santé, je n’avais jamais vu ça !

D’autre part, de nombreuses entreprises et startups ont déjà investi ce secteur avec succès. C’est le cas de Doctolib’ ou encore de startups que nous avons eu la chance d’accompagner comme Synapse Medicine, ARKHN ou encore Hypno VR. Ces acteurs montrent la voie. C’est grâce à eux qu’aujourd’hui on commence à parler de parcours ou d’expérience patient à l’hôpital.

 

Avec tes 10 années d’expériences, quelles recommandations donnes-tu à ceux qui souhaitent se lancer ? 

La première chose à savoir, c’est que dans le domaine de la santé, il y a deux marchés. Il y a d’une part les soins et d’autre part la gestion et les services administratifs. 

Côté soins, l’innovation est très présente, les hôpitaux sont habitués à investir dans du matériel de haute technologie, la réalité virtuelle se développe énormément ainsi que les biotechnologies. Pour investir ce marché il faut souvent faire face à des coûts de R&D importants mais les réseaux de distribution sont très bien organisés. Côté gestion et administratif c’est autre chose. Le numérique est apparu très tôt dans les hôpitaux, malheureusement, les équipements n’ont pas évolué depuis et les acteurs de la santé ont aujourd’hui ce que l’on appelle une dette technique : leurs équipements sont devenus obsolètes. L’enjeu pour le futur c’est de trouver des applications pérennes qui pourront être améliorées de façon incrémentale. 

 

C’est donc primordial de bien choisir le marché sur lequel on souhaite se lancer ?

Oui, mais ce que l’on a appris en dix ans de hackathon c’est que les projets qui fonctionnent sont ceux qui répondent à un vrai problème. 

Prenons l’exemple de Fizimed. Lors de leur première participation, l’équipe projet souhaitait créer une application permettant aux patients suivis par des kinésithérapeutes de mieux faire leurs exercices à la maison. Ils étaient accompagnés d’un kinésithérapeute et ont réussi à développer un MVP durant le hackathon. À l’issue du hackathon, nous leur avons conseillé d’aller tester leur produit auprès d’autres professionnels. Deux semaines plus tard, c’est la désillusion : aucun kinésithérapeute ne semble intéressé par leur application. Ils m’expliquent alors que le seul problème qu’ont identifié les professionnels est la rééducation périnéale. Eurêka, voilà le problème à résoudre. L’année suivante, ils ont de nouveau participé au hackathon et prototypé une sonde et un dispositif numérique. Aujourd’hui c’est une start-up qui a levé plus de 10 millions d’euros et recruté 15 collaborateurs. Leur sonde Emy est distribuée dans le monde entier.

Au-delà d’identifier un problème récurrent, quels sont les critères qui garantissent le succès des projets ?

Même si rien ne garantit jamais le succès d’un projet, nous avons la conviction que la pluridisciplinarité et les échanges entre développeurs, designers, personnel médical et patients sont essentiels. C’est d’ailleurs pour cela que nous avons créé le hackathon.

Dans les projets numériques, les développeurs ont forcément un rôle primordial, ce sont les seuls à pouvoir prototyper et concrétiser les projets. Les designers, eux, sont responsables de la compréhension des usages. C’est une mission primordiale car souvent les outils mis entre les mains des médecins et du personnel administratif ne correspondent pas aux usages et à l’environnement de travail de ces derniers. Prenons par exemple les urgences, imposer un mot de passe et un login aux médecins qui sont toujours en mouvement et changent d’ordinateur à chaque patient est compliqué. Cela alourdit les usages des outils numériques mais est nécessaire. Il faut réfléchir à plusieurs pour trouver des alternatives qui garantissent la sécurité tout en gardant un usage simple.

Les designers ont également un rôle à jouer dans la sécurité et l’usage des données. On parle de plus en plus de privacy by Design. 

Tu viens d’évoquer le problème de la sécurité des données. Les nombreuses contraintes légales sont-elles un frein à l’innovation ?

C’est vrai que le marché de la santé est extrêmement régulé. C’est bien normal et c’est tant mieux. Pour autant, cela n’est pas forcément un frein à l’innovation au contraire. J’en discute souvent avec des dirigeants d’entreprises comme Doctolib ou encore la mutuelle Alan et tous sont unanimes : une fois que la mise aux normes est réalisée, le projet devient immédiatement scalable et les possibilités de développement sont infinies. Du fait de la régulation, c’est également un marché qui est moins concurrentiel. Les acteurs étant soumis aux mêmes obligations, il n’y a pas de concurrence déloyale. 

En revanche, ce qui est sûr c’est que l’hôpital est l’environnement le plus complexe, plus complexe qu’une banque ou qu’un aéroport. Je pense donc que pour innover il est nécessaire de s’extirper de ce cadre pour retrouver un peu de légèreté. C’est également le rôle du hackathon : offrir un espace de liberté où l’on peut dialoguer, rêver et tester. 

Pour moi, il est primordial de se laisser le droit à l’erreur et de faire fit des contraintes légales dans les premiers instants d’un projet. La mise aux normes doit venir dans un second temps avec le développement à plus grande échelle. 

 

Selon toi, quelles sont les technologies qui vont révolutionner le domaine de la santé ?

Sans hésiter, je dirai le traitement de la donnée. Le Covid l’a bien montré, nous manquons cruellement de médecins et de moyens. Même si la technologie ne remplace pas les femmes et les hommes, nous devons faire en sorte “d’augmenter” nos médecins. Je suis convaincu que la donnée, si elle est bien structurée, peut être un formidable outil d’aide à la décision car, combinée à l’intelligence artificielle, de nouveaux outils permettront de révéler des informations qui nous échappent aujourd’hui. 

Lors d’une des éditions précédentes, un médecin cherchait à confirmer l’impact du tabac sur le développement des cancers du sein. L’analyse des données de centaines de rapports médicaux a permis de révéler l’influence de nombreux autres facteurs ayant finalement plus d’impact que le tabac sur le développement de ce type de cancer. Bien sûr que le tabac joue ici un rôle, mais l’étude a permis de mieux comprendre le cancer du sein et donc d’en prévenir le développement.

 

Sébastien, merci beaucoup pour ton temps. Pour conclure, peux-tu nous en dire un peu plus sur ce qui attend les participants du Hackathon ?

Le Hacking Health Camp aura lieu du 25 au 27 mars à Strasbourg. Des ateliers de préparation auront lieu le 15 mars et 21 pour les porteurs de projets. Comme chaque année, nous proposerons plusieurs conférences. Cette année nous avons convié plusieurs entrepreneurs ainsi que des entreprises du domaine de la bio-tech.

Cette année, nous avons limité la jauge à 500 personnes, je vous conseille donc de vite aller prendre vos places sur le site officiel du Hacking Health Camp

 

Interview par Jordan Thévenot

 

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Antoine Voland Logerais